Violences psychiques ou sexuelles, contrôle et silence : Les racines invisibles du trouble alimentaire
Certaines blessures sont si profondes qu’aucun mot ne suffit à les dire. Le corps, alors, prend la parole. Dans les suites d’un abus sexuel, les troubles du comportement alimentaire deviennent parfois l’unique langage possible - une tentative de survie, un appel silencieux.
Quand le corps parle à la place des mots :
comprendre, accueillir, reconstruire
Il arrive que les mots ne viennent plus, qu’ils s’éteignent en silence, coincés quelque part entre ce qu’on ressent et ce qu’on peut dire. Trop lourds, trop flous, trop dangereux peut-être. Ils restent là, en suspens, dans le non-dit, pendant que l’émotion grandit sans pouvoir s’exprimer. Alors, c’est le corps qui prend la parole, portant à sa manière ce que la bouche tait, ce que l’intime garde secret.

Le corps ne ment pas. Il ressent, il se souvient, il sait. Il exprime ce que la conscience cherche à oublier : une blessure ancienne, un traumatisme non intégré. Il devient alors langage de substitution : une gorge qui se serre, un ventre noué, un dos tendu, une fatigue persistante… Ce ne sont pas que des sensations, mais les fragments d’un discours empêché. Comme un murmure corporel : « Quelque chose a eu lieu. Je ne peux pas le nommer… mais je ne peux pas non plus l’oublier. »
Quand le trouble alimentaire devient langage
du traumatisme
Dans le cas d’abus sexuel ou d’inceste, ce qui aurait dû être un lieu de confiance, de protection, devient un espace de peur, de confusion, de dissociation. Le corps, envahi de sensations intrusives, trahi, cesse d’être un refuge. Il devient source de honte, de malaise, voire d’étrangeté.
Le trouble du comportement alimentaire (TCA) peut alors apparaitre comme une stratégie d’adaptation face à l’insupportable. Une tentative de reprendre le contrôle après avoir été dominé par l’intrusion.
Trop manger pour calmer une angoisse. Se restreindre pour se purifier. Osciller entre excès et privation pour retrouver un équilibre intérieur. L’alimentation devient alors un moyen de survivre, de se rassurer, de compenser un manque de sécurité. Mais rapidement, la culpabilité s’installe. Elle naît de l’impression d’avoir failli à une exigence intérieure, celle de devoir tout contrôler pour ne plus jamais se laisser envahir, tromper ou déposséder par une intrusion.
La culpabilité : une souffrance en plus.
La culpabilité est un conflit intérieur entre deux parties de soi : ce que je fais, et ce que je crois devoir faire. Elle s’installe lorsque je mange « trop », ou « pas comme il faut ». Elle prend racine dans des croyances anciennes, souvent héritées de l’enfance, de l’éducation, ou de messages intériorisés au fil du temps. Ces croyances dictent ce qui est « bien » ou « mal », ce qui est « mérité » ou non. Elles glissent en nous, se faufilent dans nos pensées : « Je ne mérite pas ce plaisir », « Je n’aurais pas dû », « Ce n’est pas raisonnable ». Elles imposent des règles invisibles, mais puissantes, qui jugent le moindre écart et alimentent le mal-être.
La culpabilité devient alors une souffrance secondaire, qui vient perturber l’apaisement intérieur, altérer la capacité à ressentir de la joie, et freiner le processus de réconciliation avec soi-même. Elle fragilise le lien au plaisir, et enferme dans un cycle de honte, d’auto-contrôle et d’isolement.

La thérapie : un ancrage humain pour traverser l’insécurité intérieure
Dans ce contexte de perte de repères, de culpabilité ou de rupture du lien à soi, la thérapie offre un espace sûr et respectueux. Un lieu où l’on peut, peu à peu, mettre des mots sur ce qui n’avait jamais trouvé place dans la parole. Où l’on peut se sentir vu, entendu, accueilli dans sa souffrance — mais aussi dans ses ressources, souvent restées en veille.
Parler à un thérapeute, c’est entamer un processus de réappropriation. C’est remettre du mouvement là où tout semblait figé. C’est retrouver le pouvoir de choisir sa direction, son rythme, sa manière de vivre, sa parole. C’est réapprendre à habiter son corps, non plus comme un terrain assiégé par les contradictions, mais comme un lieu de vie - un espace habitable, sensible, capable de ressentir, de porter l’élan d’exister.
Se tourner vers un accompagnement thérapeutique, c’est déjà un acte de réparation.
Parce que c’est reconnaître qu’on n’a pas à porter seul ce qui pèse, ce poids invisible que laisse l’agression, la charge émotionnelle, le non-dit, la peur d’être incomprise. C’est commencer à désactiver l’isolement intérieur, celui qui alimente souvent un sentiment de faute ou de responsabilité.Or il n’y a rien qui relève de sa propre volonté ou de son choix en dehors de cette vérité essentielle : ce qui s’est produit n’aurait jamais dû arriver.
5.0
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La Logothérapie : une voie pour traverser avec sens l’épreuve, la souffrance ou le vide existentiel.
Fondée par Viktor Frankl - médecin neurologue, psychiatre et survivant des camps de concentration - la Logothérapie propose une approche thérapeutique centrée sur la quête de sens, même au cœur de l’épreuve.
Le sens est en soi thérapeutique, car il ouvre un espace de liberté intérieure : il permet à la personne de ne plus être uniquement définie par ce qu’elle subit, mais de redevenir pilote de sa relation à la vie, de son chemin intérieur. Trouver un sens, c’est réaffirmer sa dignité, même dans la douleur, et reprendre place dans sa propre histoire.
La Logothérapie ne se limite pas à ce qui dysfonctionne : elle s’attache à ce qui, en soi, peut encore se mobiliser, émerger, se réanimer. Elle invite à redécouvrir qu’une vie abîmée peut redevenir porteuse de sens. Que même au cœur de la souffrance, il est possible de faire des choix, d’orienter son regard, et de répondre à ce qui, silencieusement, nous appelle encore.
Viktor Frankl disait :
« Ce n’est pas la liberté vis-à-vis de la souffrance qui nous sauve,
mais la liberté dans la souffrance. »
Cette liberté intérieure, aussi discrète soit-elle, commence souvent par une question simple mais émouvante : « Et si je n’étais pas condamné·e à vivre avec cette honte ? »

Manger sans honte et culpabilité, ce n’est pas manger « parfaitement » bien .
C’est manger en paix avec soi.
C’est reconnaître que manger est un besoin humain fondamental. Et lorsque le rapport à l’alimentation se déséquilibre, ce n’est pas une faute morale — ce n’est pas un échec, mais souvent une tentative, parfois maladroite mais profondément légitime, de répondre à quelque chose de plus profond.
C’est une blessure intérieure que seule une écoute sensible et respectueuse peut approcher. C’est comprendre que ce que l’on cherche à combler par la nourriture dépasse bien souvent la faim elle-même : un vide, un appel à la réparation, un désir de se sentir en sécurité dans la relation, un besoin de reconnaissance sans condition, une légitimité à exister en étant soi, avec authenticité et sans peur du regard.
Retrouver le droit de dire, de ressentir, de vivre selon ce qui est vrai pour soi.